5 - Allocution de NING Jingwu : La perspective anthropologique et la spéculation moderne de la création du film ethnique

Réalisateur
lundi 23 octobre 2017

Mesdames, Messieurs, Bonjour.

Je suis très heureux de pouvoir avoir cette occasion aujourd’hui, au colloque coorganisé par le Festival du cinéma chinois de Paris et le CNC, de discuter et de faire participer à des échanges avec vous au sujet de la création du film ethnique.

Très souvent, on me pose cette question : pourquoi vous, réalisateur des Han, ferait des films des ethnies minoritaires ? Je pense qu’à l’origine il y a mon professeur à l’Académie du cinéma de Pékin qui est une Mongole, Madame Wulan. Elle a réalisé un film sur l’ethnie mongole intitulé « Retour à la rivière Xini », elle a aussi co-réalisé avec Monsieur Xie Fei « La Jeune fille Xiaoxiao », une adaptation d’un roman de Shen Congwen, l’écrivain des Miaos. En plus, mon autre professeur Monsieur Xei Fei, a réalisé beaucoup de films ethniques qui sont tous excellents : « L’Etalon noir » ( « A Mongolian Tale ») de l’ethnie Mongole, « Yeshe Dolma » de l’ethnie Tibétaine.

Dans l’enseignement de l’Académie du cinéma, les professeurs nous ont dit que le cinéma ethnique est une une branche très importante du cinéma d’art. On peut dire aussi que c’est une catégorie de ce cinéma. Il n’y a pas beaucoup de rapport entre la réalisation d’un film ethnique et l’ethnie du réalisateur. Le plus important est de concevoir une diversification culturelle d’ethnique.

« Les Femmes du lac aux âmes parfumées » du réalisateur Xie Fei a emporté l’Ours d’Or au Festival du cinéma de Berlin. A mon avis, c’est un excellent film des Han, parce qu’il y a dedans la culture des Han qui y transparaît et donne sa couleur à l’histoire.

Lorsque je faisais mes études, le premier film ethnique « La Victoire du peuple mongol » a été réalisé par mon professeur Yu Xuewei. Il est déjà en retraite. Je lui ai demandé beaucoup de renseignements à propos de ce film. Il y a beaucoup d’anecdotes et de difficultés rencontrées au cours de la production de ce film.

C’est en ayant reçu ce genre de formation que j’ai commencé, après mes études, à travailler pour la création cinématographique. Au début de ma carrière, il y avait deux films abordant les ethnies Tujia et Mongole, mais à l’époque je n’avais pas encore conscience de la possibilité de créer des films tournés vers la culture ethnique.

J’ai une conception anthropologique pour la création du film ethnique, l’exemple en est un film des Miaos « Le Fusil de Lala ».

Je pense, quand on évoque le fait d’avoir d’établi un point de vu anthropologique, qu’il ne s’agit pas d’un bavardage prétentieux, de paroles creuses, c’est plutôt d’une grande quantité de travail ; cela signifie que nous devons effectuer des études de longue haleine sur un ethnie ; ce veut dire que je ne réalise pas le film directement après avoir pris connaissance du scénario.

En général, nous entreprenons des études et des recherches pendant une année sur la culture de l’ethnie, comprenant des enquêtes, des recherches à de la campagne, des interviews, mais aussi nous étudions auprès des chercheurs et des spécialistes de cette ethnie et nous discutons avec eux, nous recherchons aussi des images conservées de cette ethnie pour les visionner. C’est seulement après tout ce travail, qu’on pourra écrire l’histoire et le scénario d’après des faits historiques inspirés de
cette ethnie.

En principe, pour mes films, on fait le casting parmi les gens de l’ethnie concernée. Bien entendu ils doivent parler leur langue maternelle. Parce que les ethnies comme les Miaos et les Dongs, ont leurs langues mais pas d’écritures. Je pense que dans l’histoire du cinéma inspirée par leurs ethnies, interprétée par leurs acteurs, qui parlent leurs propres langues, le film réalisé peut se nourrir d’une culture ethnique plus riche. Il y a également le respect et la considération que nous devons avoir pour cette ethnie, y compris pour la connotation culturelle qui a une importante signification au vu de la société moderne d’aujourd’hui, à travers les études du cinéma de ces ethnies.

C’est donc à cause de cela que les films que j’ai réalisés, comportent une double valeur : la valeur d’un film d’art et une valeur anthropologique. C’est la différence entre le cinéma ethnique et d’autres cinémas d’art. Bien entendu, dans tout cela, étant un réalisateur des Hans, dans un certain sens, j’y trouve une série d’avantages. Quand je tourne les films des Miaos, des Qiangs et des Yaos, je peux comparer la culture de différentes ethnies, ce genre de comparaison a beaucoup de valeur. C’est à dire, on va chercher les différences entre les différentes cultures ethniques conservées aujourd’hui, comprenant leurs religions, leurs modes de vie, ainsi que leurs chants et danses. La valeur d’une telle comparaison que j’ai effectuée, peut avoir une grande signification et être instructive pour nos créations.

Jusqu’à aujourd’hui, tout ce que j’ai tourné sur différentes ethnies, les Miaos, les Yaos, les Tibétains, etc. qui ont leur propre culture, représente un immense profit culturel pour moi qui suis un réalisateur des Hans. Je suis devenu un très bon ami de toutes ces personnes.

Ces dernières années, je participe volontairement à des activités anthropologiques, tels que des forums, ou des réunions annuelles. On me considère comme un demi-savant de l’anthropologie. Je pense que dans la création prenant le respect pour cette culture comme condition préalable, un réalisateur Han obtient que son film ait plus de valeur à être conservé.

Par ailleurs, au sujet des thèmes du cinéma ethnique, je voudrais évoquer une distinction moderne, c’est à dire que, nous réenregistrons une réalité, mais ce n’est pas le seul but. Parce que, il y a beaucoup de documentaire anthropologiques qui sont produits. La différence entre nos films et les films anthropologiques académiques, à part que nos films sont des fictions, c’est qu’ils auront une modernité dans le choix des thèmes.

Je réalise des films dont le thème possède une grande signification inspirée par notre société actuelle et qu’on peut trouver dans leur culture ; premièrement il appartient à cette ethnie, par ailleurs, il a une valeur d’exemple pour notre société d’aujourd’hui.
Comme « Le Fusil de Lala » qu’on a produit : c’est à travers l’histoire d’un jeune qui prépare la future cérémonie qui doit lui permettre de devenir adulte , que l’on peut réfléchir à qui suis-je, d’où je viens, et où j’irai. Ce thème philosophique, il produit une fiction qui dépasse la valeur d’un document ethnique, il possède une valeur plus universelle.

L’année dernière, mon ami réalisateur Pema Tseden a tourné « Tharlo » . J’ai participé à la création de son premier film « Le Silence des pierres sacrées ». Je constate que ses réalisations sont de mieux en mieux. En effet, « Tharlo » est un film où Pema Tseden pose des questions à travers un orphelin adopté par un Tibétain. Questions : qui suis-je, d’où viens-je, et où vais-je. Dans le film, il y a un très fort choc entre la culture tibétaine et la culture moderne. Le cinéma ethnique prend sa source dans une ethnie, mais on souhaite qu’il puisse évoquer une analyse et une réflexion plus profondes qui dépassent la culture ethnique.

Comme par exemple le film que nous allons projeter tout à l’heure, « Le Nid d’oiseaux », tourné en 2008, l’année des Jeux Olympique de Beijing. A travers un garçon des Miaos nous pouvons réfléchir comment nous devons traiter les problèmes de l’environnement. Je pense que ce film apporte une contribution de la culture de Miaos sur la réflexion des rapports entre les êtres humains et l’environnement. Dans le contexte des Jeux Olympiques de 2008 où le peuple chinois tout entier était en liesse, la culture issue des Miaos a sans doute une signification révélatrice.

Le film que j’ai terminé récemment, « L’Amour de Wangdu », est un film des Yaos. Il y expose leur culture défendue par un groupe de vieillards. Cette initiation dramatique, dans le contexte de mondialisation d’aujourd’hui, quelle sera l’avenir de leur culture ? Combien de temps elle pourra être préservée ? C’est une réflexion et une inquiétude personnelle.

Il y a également un film sur l’ethnie des Qiangs. La réflexion sur qu’est-ce qu’un pays natal, sujet auquel on s’intéresse beaucoup actuellement. Le film décrit l’histoire du déménagement des Qiangs après un séisme. Dans la Chine d’aujourd’hui, où le prix d’un logement devient de plus en plus astronomique, le foyer est-il au fond un lieu matériel ou un espace ? Ou bien quelque chose autre ?

C’est une contribution venant de la culture des Qiangs vis à vis de notre société moderne d’aujourd’hui.

Il y a presque dix ans que j’ai réalisé mon premier film ethnique consciencieusement. Je lui ai encore découvert une nouvelle valeur maintenant. Quand un film apporte plus de culture à cette ethnie, il comporte plus de valeur parce qu’il a renégistré une réalité. Ce film, à mesure que le temps passe, aura une plus grande valeur. C’est la différence avec le cinéma non ethnique, parce que, le village et la culture que votre film a enregistrés sont en train changer aussi, ils ne sont plus ceux d’il y a dix ans.
Parce qu’aujourd’hui, sans parler de mondialisation, même les chanteurs, les danseurs et les maîtres de la broderie de la dernière génération, alors qu’ils ont quitté ce monde, après avoir traversé la révolution culturelle, la nouvelle génération qui expérimente l’économie de marché, leur art manuel, leurs paroles des chants, ne sont pas aussi authentiques que ceux de la génération précédente. Les arts de la génération précédente ont été façonnés tout au long de leur vie, mais maintenant, la
deuxième génération est beaucoup moins bien.

Dans les années qui ont suivi le tournage du « Fusil de Lala », il y a 4 ou 5 personnes qui ont joué dans le film qui sont décédés. Un film comme celui-ci, aujourd’hui, après le passage du temps, aura encore plus de valeur de témoignage. Je suis heureux d’avoir pu le réaliser, bien qu’il ait pris plus de temps à être produit qu’un film normal et qu’il n’a pas eu autant de récompense matérielle. Mais je pense qu’il a une valeur de témoignage culturel et de commémoration, et c’est pour cela que je suis heureux de réaliser des films ethniques.

Par la suite, je vais réaliser des films tibétains, ou des autres ethnies. J’espère pouvoir vous offrir à tous des les films plus nouveaux et mieux encore.

Merci à tous.


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