Le bruit du vent, 2009, de Chen Kuo-fu et Gao Qunshu

« Le bruit du vent » : un film d’espionnage chinois, pendant l’occupation japonaise
lundi 30 août 2010 par Brigitte Duzan

Le film est sorti sous le titre international « The Message », mais il a pour titre chinois《风声》fēngshēng, c’est-à-dire « Le bruit du vent », ce qui était aussi le premier titre en anglais (« The sound of the wind »). Il peut donc facilement y avoir confusion sur le titre.

Il a été co-réalisé par un réalisateur chinois, Gao Qunshu (高群书), et un réalisateur taiwanais Chen Kuo-Fu (陈国富). Il s’agit d’une nouvelle production de la Huayi Brothers (华谊兄弟), associée au groupe des Studios de Shanghai (上影集团), avec Feng Xiaogang comme producteur éxécutif. Le film, présenté dès mai 2009 au festival de Cannes, réunit au départ des atouts de taille.

Une production qui n’a pas lésiné sur les détails

Le film se passe en 1941, pendant l’occupation japonaise. C’est un film d’espionnage, ce qui est assez rare en Chine pour être mentionné. Les producteurs ont fait des efforts particuliers pour reconstituer l’ambiance des années de guerre, et les moindres détails des décors et des costumes ont été soignés ; les costumes eux-mêmes sont signés Timmy Yip (葉錦添), qui fut, entre autres, le directeur artistique du film d’Ang Lee « Tigres et Dragons », pour lequel il reçut un Oscar et un British Academy film award en 2001.

Le site lui-même a été soigneusement choisi. Il s’agit d’un promontoire rocheux dominant la mer, aux environs immédiats de Dalian. La ville est, en effet, située tout au sud de la province du Liaoning, entre la mer de Bohai et la mer Jaune, au bout de la péninsule du Liaodong, dans une région qui offre de superbes à-pics sur la mer (2). C’est un site qui renforce l’impression de danger imminent que l’on est censé ressentir tout au long du film. Tout en haut est perchée une superbe villa qui semble sortie d’un film de Hitchcock. (3) La Huayi a déclaré avoir engagé des équipes américaines spécialisées dans les prises de vue aériennes.

L’affiche elle-même souligne l’ambiance à la Hitchcock :

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Elle est en elle-même superbe, avec une atmosphère blafarde et une maison sur son promontoire qui rappelle celle de « Psychose »…

Une adaptation d’une nouvelle célèbre en Chine

La Huayi a payé un million de yuans pour les droits d’adaptation de la nouvelle éponyme (《风声》), deuxième volet d’un livre de l’écrivain Mai Jia (麦家) intitulé 《暗算》(ànsuàn, c’est-à-dire comploter, conspirer contre quelqu’un).

Mai Jia a été pendant longtemps un auteur plus ou moins obscur : né en 1964, engagé à 17 ans dans l’armée chinoise comme beaucoup d’autres à l’époque, il a fait d’abord des études techniques au sein de l’armée populaire, avant d’y obtenir un diplôme d’études littéraires et d’entrer, en 1997, à la télévision de Chengdu comme scénariste. Ce qui l’a rendu célèbre, c’est l’adaptation à la télévision, en 2006, de cette même nouvelle « Le bruit du vent ». Le film télévisé ayant connu un immense succès, du jour au lendemain, le nom de Mai Jia est devenu familier en Chine, de même que sa nouvelle.

Celle-ci raconte une histoire sombre d’espionnage sur fond de guerre sino-japonaise, à la fin de 1941. La ville de Nankin est occupée par les Japonais, et un gouvernement fantoche y a été installé, où travaillent divers spécialistes chinois des services secrets. Après plusieurs incidents et des meurtres, il devient clair aux yeux des Japonais qu’un espion travaillant pour la résistance s’est glissé dans leurs rangs. Il s’agit de déterminer de qui il s’agit. Pour cela, un groupe de suspects est appréhendé ; interrogés et torturés, ils réalisent qu’ils ne s’en sortiront que lorsque le coupable aura été trouvé. La tentation est alors grande de clarifier la situation entre eux, pour éventuellement livrer l’intrus et sauver leur peau…

Il est certain qu’il y a là un excellent matériau pour une adaptation cinématographique, le succès de l’adaptation télévisée l’a bien montré. Atout supplémentaire, le scénariste est Zhang Jialu (张家鲁), dont le nom n’est pas très connu, mais qui a été co-scénariste du dernier film de Chen Kaige, celui sur Mei Lanfang.

Un casting hors pair

La production a aligné sept des meilleurs acteurs chinois du moment :
Zhang Hanyu (张涵予), devenu célèbre après son rôle dans le film de Feng Xiaogang « Assembly », interprète le chef du réseau, Wu Zhiguo (吴志国) ;
Huang Xiaoming (黄晓明) joue le rôle d’un espion japonais, sombre et laconique ; heureusement, car l’acteur a dû répéter jour et nuit les quelques lignes de ce qu’il doit dire en japonais ;
Wang Zhiwen (王志文) et Ying Da (英达) sont deux membres des services spéciaux soupçonnés ; Ying Da s’est vu ajouter, comme d’habitude, un petit ventre qui va bien avec son visage rondouillet ;
enfin l’ancien chanteur de kunqu Alec Su (ou Su Youpeng 苏有朋) interprète un secrétaire de section.

Ce sont cependant les deux interprètes féminines qui sont déterminantes : Zhou Xun (周迅) et Li Bingbing (李冰冰). Elles ont des rôles particulièrement difficiles, qui comportent des épisodes de torture et de violence. Li Bingbing, en particulier, qui est, dans le film, la supérieure hiérarchique de Zhou Xun, a été soumise pendant le tournage à un traitement éprouvant : elle devait, pour la première fois de sa vie, boire et fumer, car son rôle est celui d’une alcoolique en perpétuel état d’ébriété. Elle a d’ailleurs obtenu un Golden Horse award pour son rôle dans le film en 2009. Les deux actrices ont affirmé que c’était (pour l’instant) le rôle de leur vie.

Photos des acteurs dans le film, qui reflètent l’ambiance et la précision de la reconstitution historique :

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(à partir du haut : - Li Bingbing et Zhou Xun (regards acérés comme des lames, dit l’intitulé),
- les trois principaux personnages masculins,
- Li Bingbing et Zhang Hanyu,
- Su Youpeng.

Note sur les réalisateurs

Réalisateur de films télévisés du genre ‘polars’, Gao Qunshu (高群书) a fait ses premiers pas au cinéma avec « Le procès de Tokyo » » (《东京审判》) sorti en 2006. Quant à Chen Kuo-fu (陈国富), né en 1954, il a réalisé un premier film en 1989, assez bien reçu par la critique, et un second, « Treasure Island », produit par Hou Hsiao Hsien, qui fut présenté en première au festival de Locarno en 1993. Mais sa notoriété vient de son thriller « Double vision », avec Tony Leung Ka-fai, présenté au festival de Cannes en 2002 dans la section « Un certain regard ».

La collaboration de ces deux réalisateurs est ici bénéfique : l’un revenant vers le genre qui a fait ses premiers succès à la télévision, l’autre, spécialiste du mélange film d’horreur et film de suspense, apportant sa touche aux scènes de torture, entre autres.

Voir la vidéo d’une interview des acteurs et du réalisateur chinois, avec des images du site et de la villa


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