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22 - Hommage à CHOW HSUAN

- Dans l’attente de son amour (1947, Hong Kong) de He Zhaozhang, avec Shu Shi.

- Les Anges du boulevard (1937, Shanghai) de Yuan Muzhi, avec Zhao Dan (1915 - 1980)

- L’Histoire secrète de la Cour des Qing (1948, Hong Kong) de Zhu Shilin, avec Shu Shi

- Mei Fei (1941, Shanghai) de Zhang Shichuan, avec Lü Yukun

- La Nuit profonde (1941, Shanghai) de Zhang Shichuan, avec Han Fei

- L’Histoire de la chambre de l’ouest (1940, Shanghai) de Zhang Shichuan

- Quiproquo (1947, Hong Kong) de Fang Peilin, avec Lü Yukun, Meng Na, Yan Hua.

- Ashiou ou la déesse de l’amour (1947, Hong Kong) de Wu Zuguang, avec Lü Yukun, Jiang Ming, Zhou Wei.

- L’Air d’une chanteuse (1948, Hong Kong), avec Wang Hao, Gu Ye Lu.

周璇, Zhou Xuan : découverte et redécouverte de l’actrice-chanteuse légendaire de l’histoire du cinéma

De celle qui s’appela initialement Su Pu, puis Wang Xiaohong, on sait seulement qu’elle naquit vers 1920. Orpheline, voire abandonnée, approximativement à trois ans, un oncle nommé Wang l’adopta et l’emmena à Jintan : mais le couple Wang divorça et on envoya Wang Xiaohong auprès de la famille Zhou à Shanghai. L’enfant se nomma alors Zhou Xiaohong. Celle-ci commença à apprendre chant et danse vers l’âge de huit ans. Elle se rebaptisa Zhou Xuan sur une suggestion du musicien Li Jinhui, à partir du chant lié à la résistance antijaponaise : Zhou Xuan Yu Sha Chang Zhi Shang. Dès le début des années trente, l’artiste entama une carrière de chanteuse. Elle chanta pour des stations radiophoniques. En 1934, des radios de Shanghai soutinrent un concours de chant, à l’issue duquel notre jeune chanteuse obtint le titre de Voix d’or . Dès 1935 elle intégra la Compagnie cinématographique Yihua, puis travailla pour de nombreuses autres. Bai Bao Tu montre une actrice lancée dès 1936. Elle œuvre aussi à Hong Kong. Suite à son placement en sanatorium à Shanghai, elle décéda dès 1957. Sans doute la rumeur publique contribue au drame : dans L’Air d’une chanteuse les collègues de l’amoureux s’avèrent cancaniers.

La carrière de l’artiste entretient des relations réversibles d’échange avec sa biographie mystérieuse et tourmentée : quelle autre star à voir sa date de naissance suivie d’un point d’interrogation ? Secret de sa naissance et déboires amoureux se transposent à l’écran. L’Air d’une chanteuse illustre l’intrication des sphères artistique et personnelle : le goujat Ye Chunyuan et le peintre colérique Fang Zhiwei représentent des spécimens de l’engeance masculine que la femme rencontra, la destinée de Zhou Xuan ressemblant à la tragédie de Zhu Lan. Soutenons que Les Anges du boulevard, La Nuit profonde, L’Air d’une chanteuse forment une trilogie autobiographique, Ye Shen Chen se terminant même par un suicide prémonitoire.

Zhou Xuan, emblème d’un genre cinématographique : le « genre chanteuse »

En lien avec sa vie, mais transcendant celle-ci, Zhou Xuan s’érige en figure tutélaire d’un genre cinématographique spécifique : ce que nous baptisons le « genre chanteuse », sachant que Chen Yanyan établit la première le personnage de la chanteuse. Généralement, cette catégorie présente des femmes talentueuses luttant pour survivre tout en tentant de garder leur dignité. Survie dans un monde d’hommes grâce à des talents pas seulement musicaux.

Le « genre chanteuse », certes originaire de Shanghai, devint rapidement et immensément populaire à Hong Kong.

la « Voix d’or » à l’écran

Zhou Xuan se révèle la seule à opérer dans un si large spectre. La vedette maîtrise certes la technique de l’opéra. Nous devons surtout la caractériser par sa suavité, jointe à ses pureté et délicatesse, étayées par ses capacités techniques de modulation. Elle appartient aux premières à utiliser un microphone, permettant non seulement de préserver de l’énergie mais aussi de développer son style, empreint de douceur sans mièvrerie.

La proclamée « Voix d’or » interpréta quelque deux cent cinquante chansons enregistrées par Pathé à Shanghai, cent quatorze extraites de films. Citons Si Ji Ge – La chanson des quatre saisons, Ye Shang Hai – Shanghai la nuit, ainsi que Zang Hua – Enterrer les fleurs, scène éminemment poétique issue du Rêve dans le pavillon rouge.

une « vedette interculturelle » à un âge d’or déjà mondialisé

L’art de Zhou Xuan associe brillamment musique traditionnelle du Céleste Empire et sons occidentaux, swing, voire jazz. Emblématiquement, l’amoureux accompagne Xiao Hong au Er Hu pour 天涯歌女, Tian Ya Ge Nü que nous traduisons par La chanteuse des confins du ciel : de la trompette aux deux cordes bien chinoises.

Les chansons montrent la rencontre déjà ancienne entre cultures chinoise et occidentale, s’agissant tant de la voix que des styles musicaux. Pour autant, dans ses œuvres, les fondamentaux propres à l’Empire du Milieu persistent, à l’instar de la Lune, volontiers chantée. Zhou Xuan confirme que le cumul de temporalités différentes caractérise le cinéma chinois.

une chanteuse véritable comédienne, voire tragédienne

Sa carrière, hélas courte, associe quantité, avec quarante-trois films, et qualité. L’internement psychiatrique dès 1951 écourta sa carrière, voire sa vie. Elle joua fort jeune. Les plus célèbres cinéastes la mettent en scène : avec prédilection Zhang Shichuan, promouvant un cinéma « mieux adapté à son époque », Zhu Shilin, Yue Feng, Yuan Muzhi, Fang Peilin, Wu Zuguang, He Zhaozhang, Bu Wancang.

Zhou Xuan sait pratiquer un large spectre de genres, conjointement au « genre chanteuse » : film contemporain, en costumes, comédie sentimentale – Quiproquo –, film d’amour, comédie fantastique – Ashiou ou la déesse de l’amour –, « musical noir » – L’Air d’une chanteuse –, drame – Dans l’attente de son amour –, tragédie – La Nuit profonde –, drame historico-sentimental en costumes – L’Histoire secrète de la Cour des Qing –, mélodrame familial, comédie dramatique – Les Anges du boulevard –, « fiction historique » – Mei Fei –, adaptation d’opéra, de chef-d’œuvre littéraire – L’Histoire de la chambre de l’ouest – confirmant le retentissement de la littérature sur le cinéma. Les genres peuvent s’entrecouper : audacieuses ruptures de ton.

Assurément, notre vedette ne représente pas seulement une actrice qui chanterait, mais une comédienne à part entière. Même au cours de ses chansons filmées, Zhou Xuan n’oublie pas le rôle : son jeu contribue à l’intégration des chansons à la diégèse. Alors que la chanteuse gazouille, l’actrice continue de jouer. Ainsi, l’entremetteuse mutine Hong Niang chante avec sa bouche et manifeste la comédienne aux yeux fâchés…

L’éventail des héroïnes s’avère large. La star incarna certes la suicidaire, mais aussi la jouvencelle, même si la figure de la chanteuse, avec une aura dramatique, préside volontiers à ses destinées cinématographiques. La petite chanteuse Xiao Hong, la soubrette marieuse Hong Niang, la restauratrice Zhou Ying, la boutiquière Ashiou et la fée-renarde jouent l’espièglerie, témoignant de fraîcheur et de charme. Fleur de prunus et Zhen assument leur rôle de concubine impériale avec noble séduction pour la première et dignité remarquable pour la seconde. La chanteuse à succès Li Xiangmei exprime tant la nostalgie shanghaienne que le double bind entre fidélité et passion. Liu Ma, pauvre femme violée, donne naissance à Zhu Lan, chanteuse de cabaret dont la réussite sociale s’achèvera tragiquement en suicide.

Soulignons une splendide performance tant cinématographique que liée au talent musical de Zhou Xuan. Mei Fei, cultivant la symétrie à l’instar du cinéma chinois, offre la mise en parallèle de scènes présentant les concubines concurrentes : Yang Gui Fei, rivale qui l’emporta, exécute une chorégraphie, avec une musique et d’un air enjoués, alors que Mei Fei chante, sur un rythme lent, Mei Hua Qu : La mélodie des fleurs de prunus. Or, Zhou Xuan interprète les deux chansons, ce qui démontre le spectre de ses possibilités vocales.

L’œuvre de Zhou Xuan montre que le cinéma chinois possède sa propre histoire, longue, riche d’expérimentations artistiques et déjà à l’échelle de l’imaginaire hollywoodien. Les tropismes cinématographiques shanghaiens, puis hongkongais emblématisent les nouveaux modes de fonctionnement urbains. Entre applaudissements publics et solitude de la femme, retenons la grâce et l’élégance, avec ou sans Qi Pao, de celle dont l’art imitait son enfance et sa vie d’adulte son art.

D’importants cinéastes contemporains se réfèrent à elle. Wong Kar Wai emprunte le titre L’âge de la fleur pour In the Mood for Love. Johnnie To invite notre chanteuse à enrichir son Élection. Ang Lee au Plaisir charnel interdit magnifie Tang Wei réinterprétant dans une scène-clef La chanteuse des confins du ciel.

L’Exposition universelle Shanghai 2010 célèbre la mémoire de Zhou Xuan, véritable icône shanghaïenne. L’Opéra de Shanghai présente le spectacle Zhou Xuan, chorégraphié par Chen Weiya qui collabora avec Zhang Yimou pour les JO Beijing 2008.

Le Festival du Cinéma Chinois de Paris, grâce à neuf joyaux de « l’âge d’or » prêtés par les Archives du film de Chine, permet de découvrir l’immense talent et les multiples facettes de Zhou Xuan.

Raymond Delambre, conservateur en chef, auteur d’Ombres électriques : les cinémas chinois (collection 7e art, Le Cerf & Corlet)

L’auteur remercie vivement Deanna Gao, présidente du Festival du Cinéma Chinois de Paris, pour sa relecture attentive.

Portfolio

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Dans l’attente de son amour (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1947, Hong Kong
mardi 7 septembre 2010

Scénario : FAN Yanqiao
Réalisation : HE Zhaozhang
Montage : ZHOU Shiqing
Avec : ZHOU Xuan, SHU Shi , HUANG Wansu
1947 / 82 mn / VO sous-titre français



La Favorite Mei Fei (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1941, Shanghai
mardi 7 septembre 2010

Scénario : CHEN Xiao Qing
réalisation : ZHANG Shichuan
Avec : ZHOU Xuan, FENG Huang, YUAN Shao Mei
1941 / 92 mn / VO sous-titre français



La Nuit profonde (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1941, Shanghai
mardi 7 septembre 2010

de Zhang Shichuan avec Han Fei



Quiproquo (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1947, Hong Kong
mardi 7 septembre 2010

Présenté par les petite-filles de Chow Hsuan au cinéma la Pagode

Scénario : HONG Mo
Réalisation : FANG Peilin
Chef opérateur : CAO Jinyun
Montage : SHEN Yuqi
1948 / 95 mn / VO sous-titre français
Avec : ZHOU Xuan, LU Yukun, MENG Na



L’Histoire de la chambre de l’Ouest (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1940, Shanghai
lundi 6 septembre 2010

Réalisation : ZHANG Shichuan
Avec : ZHOU Xuan, BAI Yun, MURONG Wan’er

导 演 :张石川
编 剧 :范烟桥
主 演 :周璇, 慕容婉儿, 蒙纳, 凤凰, 周起

Genre : aventures, amour, humour
1927 / 42 min / muet



Les Anges du boulevard (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1937, Shanghai
dimanche 5 septembre 2010

de Yuan Muzhi (1909 - 1978) avec Zhao Dan (1915 - 1980)



L’air d’une chanteuse (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1947, Hong Kong
vendredi 3 septembre 2010

de Fang Peilin



L’Histoire secrète de la Cour des Qing (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1948, Hong Kong
jeudi 2 septembre 2010

de Zhu Shilin (1899 - 1967) avec Shu Shi



Ashiou ou la déesse de l’amour (22 - Hommage à CHOW HSUAN )

1947, Hong Kong
jeudi 2 septembre 2010

Présenté par les petite-filles de Chow Hsuan et la petite-fille du réalisateur Wu Zhuguang

de Wu Zuguang (1917 - 2003) avec : Lü Yukun,
d’après Contes étranges du pavillon du loisir de Pu Songling (1640 - 1715)



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