Au début du XXe siècle, dan la province du Zhejiang, une jeune veuve est restée au service de sa belle-mère, comme le veut la tradition, jusqu’au jour où celle-ci décide d’en tirer de l’argent en la vendant comme épouse à un montagnard. L’ayant appris, la veuve s’enfuit dans un village voisin où elle trouve à s’employer chez la riche famille Lu où l’ambiance est sereine et où elle reprend goût à la vie. Mais, ayant retrouvé sa trace, sa belle-mère la fait enlever et la marie de force, comme initialement prévu. Par chance son nouveau mari, He le sixième est un brave homme et l’amour naît entre eux. Ils ont un fils, Ah Mao, et coulent des jours heureux dans leur masure, en bordure de la forêt. Malheureusement, He, pour acheter sa femme, avait contracté une forte dette que malgré son acharnement au travail, il ne parvient pas à rembourser. Il tombe malade d’épuisement et quand, au cours d’une scène d’une extrême violence, son créancier menace de lui prendre sa maison, le coup est si terrible qu’il en meurt.
Pendant ce temps, le petit Ah Mao s’échappe dans la forêt où rodent les loups. Au cours d’une battue organisée par les villageois, on ne retrouvera de lui qu’une petite chaussure tachée de sang. Hébétée, la veuve reprend le chemin de la demeure Lu où elle est rengagée après bien des hésitations car son patron est convaincu qu’elle porte malheur après la mort consécutive de deux maris. De son côté, elle ne se remet pas de l’épreuve qui la frappe et ressasse indéfiniment l’histoire de la fin tragique de son enfant. Finalement, elle se laisse convaincre par le gardien du temple du village que le seul moyen
de conjurer le mauvais sort est d’acheter un nouveau seuil pour la porte d’entrée du temple. Un an plus tard, le seuil ayant été payé et consacré selon les rites, elle se croit purifiée mais ce n’est pas l’avis de ses patrons qui la considèrent toujours comme indigne de participer à la cérémonie des offrandes du nouvel an. On la met dehors et sombrant dans l’hystérie, elle se rue au temple et détruit à coup de hachoir le seuil qui lui a coûté si cher. Chassée de la maison Lu, elle devient mendiante... Le soir du nouvel an suivant, tandis que la joie règne chez les Lu, la veuve meurt d’épuisement au coin de la rue en serrant contre son cœur, la pauvre petite chaussure de son enfant.
C’est la première adaptation à l’écran d’une œuvre de Lu Xun, après l’établissement du régime communiste et le premier film de fiction de Chine en couleur. A l’époque Bai Yang est une grande star. Révélée à moins de dix-sept ans par le film de SHEN Xiling : Carrefour (Shizi jietou, 1937) elle fera ensuite une belle carrière au cinéma, mais aussi au théâtre. Son jeu, simple et naturel, convient particulièrement bien au rôle de paysanne qu’elle incarne dans ce film. Face à elle, WEI Heling assume aussi parfaitement son rôle. Cet acteur discret et tout en nuances excelle dans les rôles de gens ordinaires, citadins comme dans Les Anges du boulevard (Malu tianshi, YUAN Muzhi, 1937), ou Ma vie (Wo zheyi beizi, SHI Hui ,1950), aussi bien que paysans, comme ici.