Les deux épouses

Qian Qi(前妻)
lundi 5 septembre 2011

En un long flashback, un enfant se souvient de ses deux mères… Son père, Liao Ding, simple kiosquier, se sépare de Lian Qiao, femme-tigresse et surtout atteinte par une maladie dégénérative. Sa nouvelle femme, Jin Ling, éprouve beaucoup de difficultés pour que le fils du premier lit, Ding Xiao Guan, l’appelle maman : lors d’une scène typiquement conjugale où la belle-mère apporte le bassin aux pieds de son époux lisant le journal, l’enfant dit enfin « maman ». La concurrence entre les deux dames autour de Xiao Guan s’avère violente, qui l’arrachent littéralement.

Cependant, la détérioration de la santé chez l’ex-épouse conduira à la conciliation. Lors du premier repas commun, climat de partage affectif et silencieux, dans le modeste appartement, entre le papa, le fils, et les deux femmes, celui-ci donnera au bol de chacune et chacun en un geste symbolique de réconciliation. La nouvelle épouse finira même par pousser le fauteuil roulant de la première, qui, alitée, s’installe chez le couple, provoquant des difficultés de cohabitation liées à la promiscuité et à la rivalité affective, la télévision devenant otage. Un échange spécifiquement féminin s’effectue lorsque la chic Lian Qiao prête ses cosmétiques à la paysanne Jin Ling, celle-ci aidant la grabataire à se maquiller.

Dans le cadre de relations symétriques et empreintes de féminité, Ling comprend même mieux Qiao que son mari, nourrit l’infirme, lui prodigue de multiples soins, la priorisant par rapport au fils. Cependant, le sacrifice de Lian Qiao dépassera le dévouement de Jin Ling, particulièrement endeuillée par son décès : l’invalide cachait ses multiples comprimés médicamenteux sous les draps et son égoïsme apparent, désirant accélérer le dénouement, voire quelque libération.

Les deux épouses constituent une œuvre émouvante, ne versant ni dans le mélodrame ni dans les poncifs de la convenue relation triangulaire, mais proposant audacieusement une nouvelle configuration de famille recomposée. La vie de couple et ses heurts bénéficient d’un authentique réalisme, avec même quelques intermèdes comiques, l’homme s’avérant le plus faible.

En outre, notre chef-d’œuvre ambitionne une écriture cinématographique, voire esthétisante, tout en focalisant toujours davantage sur l’habitat familial simple mais chaleureux, suivant la logique d’une santé se détériorant : lavabo à l’extérieur, inspiration peut-être chez Shen Nu pour les vieux journaux qui servent non seulement à tapisser le mur, mais de lit à la mère hébergée. Conjointement aux fondus au noir systématiques et devenus rares dans la cinématographie contemporaine qui affectionne le montage sec, Huang Lian filme avec style : clairs-obscurs systématiques, filmage à distance symbolisant quelque incompréhension psychologique. Le cinéaste utilise talentueusement l’espace exigu de l’humble logement et évite l’alternance habituelle entre champs et contre-champs, préférant photographier latéralement les rapports humains. On retrouve notre principe : le film filme le film, commençant par l’ouverture d’un caméscope.

CCTV offre une distribution remarquable. Le film utilise le maquillage comme moyen transactionnel et ne s’analyse absolument pas en réclames de mannequins, tels qu’affichés au kiosque récurrent.

Wu Yue, alias Lian Qiao, et Chang Yuhong, interprétant Jing Lin, témoignent de sensibilité, sans guère d’affèterie.


Portfolio

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